Par Gérard Faure-Kapper
Si vous recevez un petit
papier blanc tendance bleue dans votre boîte aux lettres. Qu’il s’agit de la
signification par huissier d’un acte, d’une procédure, d’un jugement et
notamment une ordonnance portant injonction de payer.
Ce type de signification n’aurait
aucune valeur juridique. C’est en tout cas ce que précise la cour de cassation.
La signification dans les règles est une condition de
fond.
Si vous contestez et si le
juge vous donne raison, l’ensemble de la procédure est annulé.
Et pourtant.
L’huissier qui doit vous
signifier l’acte est également chargé du recouvrement de la créance.
Il y a dédoublement de
personnalité.
L’huissier qui va signifier
est OFFICIER MINISTERIEL.
Le même huissier qui va vous
poursuivre est CHARGE DU RECOUVREMENT.
On peut appeler ça confusion
des genres, nous préférerons le terme CONFLIT D’INTERETS.
Mais.
L’huissier va répondre qu’il
ne vous a pas trouvé. C’est possible si votre adresse est Monsieur Jean Dupont,
Désert de Gobi, CHINE.
Par contre il aura plus de
mal à prouver sa bonne foi si vous habitez 42 avenue Jean Jaurès à Courbevoie,
qu’il y a des voisins présents, qu’il y a une gardienne et que l’huissier
possède votre numéro de portable.
Le juge exigera de l’huissier qu’il décrive l’ensemble
des actions qu’il a mené pour vous retrouver.
Et puis.
Si le juge n’est pas
convaincu et estime que la signification n’a pas été faite dans les formes, il
fera annuler toute la procédure, y compris les actes exécutoires permettant à l’huissier
de piller votre appartement.
Ce n’est pas tout.
Vous demanderez alors à l’Huissier
de rendre des comptes. En ne signifiant pas, il a voulu, volontairement et
délibérément vous priver de tous vos recours.
C’est là que le conflit d’intérêt
devient évident.
Les suites judiciaires
seront très dures pour l’huissier qui va passer quelques mauvaises journées.
PLUS D’INFORMATIONS
La
signification par huissier est un des actes exclusivement réservés à cette
profession. Prévue à l'article 651 du Nouveau Code de Procédure Civile (ncpc),
la signification se distingue de la notification en ce qu'elle est
obligatoirement réalisée par un huissier.
Si les deux
procédés ont pour objet de porter à la connaissance des intéressés les actes,
le régime de la signification revêt un caractère plus contraignant dans les
formes, ce qui lui confère une force plus importante que la simple
notification. Les actes importants de la vie civile doivent être signifiés afin
de garantir une bonne information à même de préserver les droits de la personne
visée par l'acte.
Les
assignations et jugements notamment doivent être délivrés par assignation. Ces
actes font courir des délais qui une fois dépassés amoindrissent voir
anéantissent les possibilités de défense ou de recours. En effet, un jugement
devient définitif s'il n'est pas frappé d'appel, lequel court durant un mois à
compter de la signification du jugement (art.538 ncpc). La signification
devient très importante pour la personne condamnée.
Comment
l'huissier doit-il signifier ? Que se passe-t-il lorsque la signification est
rendue difficile voire impossible par les circonstances ou par l'attitude du
destinataire ? Le code de procédure tente de répondre à ces questions en
jalonnant le parcours de l'huissier.
Selon l'article 654, la signification doit être faite
à personne. Tout se passe normalement lorsque la personne destinataire de
l'acte réside dans un lieu connu ou bien coopère en recevant l'huissier.
Lorsque ce n'est pas le cas, l'article 655 indique que
l'acte peut être remis à domicile, à résidence, ou à défaut chez le
gardien de l'immeuble ou le voisin; un avis de passage est toujours laissé.
Cette
formulation est assez obscure. Que faire lorsqu'un tiers est présent alors que
le destinataire ne veut pas se présenter? La jurisprudence (Cass. Civ. 2ème 27
avril 1983) a précisé que l'huissier
devait mentionner les circonstances caractérisant l'impossibilité de la
signification à personne.
Ces circonstances doivent être décrites de façon
suffisamment précise (Cass. Civ.
2ème 21 Juillet 1986). L'enjeu de toutes ces décisions est simple; les parties succombant
aux jugements rendus ont souvent la tentation de ne pas recevoir les actes
d'huissier ou bien de les faire prendre par leur conjoint, enfant(s), voisins,
etc. Puis de contester sur le fondement de l'article 654 la validité de la signification
en créant un incident de procédure.
Cette
attitude, purement dilatoire, crée de véritables difficultés. Le fait de
remettre à un conjoint empêche-t-il le délai d'appel de courir? Il semblerait
que non lorsque la signification a été faite au domicile du destinataire de l'acte. En
revanche, les juges considèrent que la signification ne saurait être valable
lorsqu'elle est remise à un enfant.
Le code de
procédure tente bien de préciser à l'article 657 le régime de la signification
lorsque la personne ne peut ou ne veut recevoir son acte. Mais le législateur a
fait appel aux "vérifications faites par l'huissier".
Que sont ces
vérifications? L'huissier doit-il interroger les personnes présentes et s'en
remettre à ce qu'il entend? Doit-il revenir plusieurs fois et faire des
recoupements? Doit-il inspecter minutieusement le domicile lorsqu'il lui est
dit que la personne destinataire n'est pas présente? Jusqu'où doivent aller ses
investigations?
La
jurisprudence s'est prononcée (Cass. Civ. 2ème 21 Juillet 1986) prudemment sur
la question, critiquant au passage les
formules lapidaires figurant sur les bulletins bleus pré-imprimés des huissiers.
La mention "malgré toutes démarches
effectuées et personnes interrogées" est insuffisante parce qu'elle ne
permet pas au juge de vérifier la nature et l'ampleur des diligences entreprises par l'huissier.
En effet, le
contentieux se développe sur ce sujet. Il y a là un moyen de ralentir - voire
d'interdire - l'exécution des décisions. La partie succombant crée un incident
afin de pouvoir ultérieurement faire échec aux mesures d'exécution. Lorsque
celles-ci sont diligentées, la saisine du premier président de la cour d'appel
sur la régularité de la signification du jugement brouille l'affaire.
Un intermède
est ouvert afin de laisser au juge le temps d'examiner les circonstances de
la signification. C'est ici que le code de procédure trouve sa limite en ce
qu'il ne précise pas les obligations de vérification de l'huissier. Le juge retrouve une partie de sa liberté
en évaluant les circonstances de la signification. Seules les mentions ou
rapports de l'huissier expliquant ses démarches pourront éclairer le juge.
L'huissier
devra donc prendre garde à ne pas aller trop vite et à consigner les recherches
qu'il a entreprises pour effectuer sa
signification à personne. Le formulaire
pré-imprimé étant insuffisant, il conviendra de demander à l'huissier un
rapport détaillé de l'ensemble des démarches entreprises.
Cette
précaution évitera un aléa judiciaire risquant de retarder une affaire gagnée
au fond. En outre, la diligence de l'huissier pourra être contrôlée par le
demandeur et évitera peut-être la mise en œuvre de la responsabilité civile de
ce dernier. Il faut souligner que si le fait d'étendre les mesures de
vérification (présence au domicile, multiples passages, etc.) est soulevé par
le destinataire de l'acte, il n'existe pas à notre connaissance de décision de
la cour de cassation sur ce point précis.
Il apparaît
que seules les cours d'appel ont eut à connaître de cette difficulté. Les
décisions rendues font toutes références à deux principes qu'il vaut mieux ne
pas négliger: la signification qui n'a
pas été faite à la personne du destinataire lui fait-elle grief (a-t-il été
privé de ses recours?), les démarches entreprises par l'huissier ont-elles été
suffisantes (remettre l'acte à un enfant présent au domicile est considéré
comme négligent de la part de l'huissier).
Il faut
convenir que l'huissier marche sur une ligne de crête procédurale; il fait
courir tant à la partie demanderesse qu'au destinataire de l'acte un risque juridique
considérable. Le premier peut perdre le droit de faire exécuter le jugement
obtenu, le second peut perdre son droit de faire appel.
Les
diligences de l'huissier ne sont pas encore précisées par le code de procédure,
faisant planer un aléa insupportable dans certaines affaires ou la rigueur de
l'exécution garantie le succès du dossier. Tant que le législateur n'aura pas
repris sa plume et tant qu'une jurisprudence de la cour de cassation n'aura
pas fixé les
modalités matérielles de la signification, il faudra s'en remettre au sérieux
et à la rigueur des huissiers.
Droits
réservés deuxième trimestre 1998
Jean-Claude PATIN
Depuis,
la jurisprudence a été constante
La jurisprudence est constante en ce qui concerne la charge
de la preuve : ‘C'est à la personne publique poursuivante de rapporter la
preuve de la date de réception du titre exécutoire ou de l'acte de poursuite
contesté’ cf. décision en annexe Cour de Cassation Chambre civile 2 du 3 juin
2004 02-14.128.
La notification
préalable du titre exécutoire est une condition de fond dont le non-respect
entraîne la nullité des actes de poursuite, indépendamment de tout grief’, cf.
M-C.P./N.T. N° 99PA02577 15 01 2003 COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS (2ème
Chambre A).
Si je dois compter sur mes voisins pour me remettre un avis de passage...
RépondreSupprimerDire que j'ai pris ma voiture pour faire le planton au cabinet de Maître Machin avec le papier que j'ai reçu dans ma boîte aux lettres...
RépondreSupprimerPlus jamais ça merci...
j'ai la preuve que j'étais absent alors que l'huissier ptrétend m'avoir relis une signification en main propre.
RépondreSupprimerdois je proter plainte en faux?