Par Gérard Faure-Kapper
Vous demandez le remboursement des frais.
Votre banque va se défendre maladroitement.
Voici, après analyse de nombreuses "conclusion en réponse" des avocats des banques, les excuses évoquées par l'établissement bancaire.
Chacune de ces excuses et justifications est ici analysée, décortiquée et traitée.
Lisez bien ce document, vous en saurez beaucoup plus que votre chargé de clientèle. Celui-ci aura de la chance, avec vous et grâce à vous, il progressera dans son métier et comprendra mieux les arguments de son client.
Quelle est la stratégie de défense de la banque.
Les
banques sont accusées de pratiques
usuraires. Ces faits sont mis en évidences par les études objectives
portant sur le calcul du coût des découverts.
Les
banques ne peuvent risquer une condamnation pour ce délit (2 ans de prison,
45.000 euros d’amende et 5 ans d’interdiction de pratique de l’activité
bancaire). D’autre part, elles ne peuvent renoncer à une manne estimée à plus
de 20 milliards par an.
C’est un des
principes de base de la justice : un juge prendra sa décision à partir de
faits et non d’hypothèses.
Les
banques vont donc utiliser tout le talent et la force de persuasion de leurs
avocats pour nier les faits
et imposer des hypothèses
devant les juges. Elles n’ont pas d’autre choix.
Ce
sont donc des juristes bancaires qui traiteront ces réclamations et non des
techniciens.
Un technicien de la banque serait d’accord avec le client, les calculs étant
objectifs, sauf erreur ou omission. Un juriste n’a que peu de compétences en la
matière. Il n’ira pas sur ce terrain et pourra gagner en jouant sur les
procédures.
Ce
qui suit provient essentiellement de l’analyse des « conclusions »
produites par les avocats des banques pour assumer la défense de celles-ci.
Nous
retrouverons cinq axes de défense principaux :
Par rapport à
la définition des termes employés
Par rapport
aux contrats signés
Par rapport aux
textes, aux jurisprudences et aux positions officielles
Par rapport
aux comportements des clients
Par rapport à
la définition du travail effectué, objet de la facturation
Par rapport
aux qualifications de l’auteur de l’étude
Par rapport à la définition des termes
employés
Les frais de
forçage sont-ils différents des commissions d’intervention ?
Non,
ces appellations recouvrent souvent la même réalité : la rémunération
de la décision d’accorder un découvert.
Le
terme frais de forçage a été utilisé jusqu’en février 2008 quand un arrêt de
cassation a condamné les banques.
Pour
contourner cette jurisprudence, les banques ont alors utilisé le terme
« commission d’intervention ». Comme son nom l’indique très bien, c’est
l’appellation générique.
Les
juges ne s’y sont pas trompés. Un arrêt de cassation du 8 janvier 2013 précise « Il appartient au juge de
rechercher si la commission litigieuse constitue le prix d'un service lié à la
tenue du compte des clients ou un service de caisse, distinct d'un crédit, de sorte
qu'elle ne constituerait pas la contrepartie de ce crédit. »
La banque évoque
un « incident de paiement »
La
banque évoque souvent le terme « incident de paiement. » Celui-ci est
impropre.
Si
la banque paie l’écriture, il n’y a pas d’incident de paiement par définition.
Si elle refuse de payer, il y a incident de paiement entre le client et le
bénéficiaire, mais la banque n’est
pas concernée.
Que recouvre la
notion de « Découvert non autorisé »
La
banque parle souvent, et écrit aussi le terme de « découvert non
autorisé ». Ce terme est impropre.
En
effet, comment parler de découvert non autorisé pour un découvert que la banque
vient d’autoriser (personne d’autre ne peut le faire). Ce terme est inapproprié.
En
fait, le terme exact est « découvert
non contractualisé ». Cette inexactitude de langage provient d’une
mauvaise habitude. Elle est aujourd’hui passée dans le jargon bancaire.
Pourquoi les
banques parlent d’intégration ou non dans le TEG ?
Le
débat judiciaire porte sur l’intégration des commissions d’intervention dans le
TEG (taux effectif global).
Cette
approche n’a aucun sens. Le TEG n’est pas une valeur en soi, mais l’expression
sous forme de pourcentage du rapport proportionnel entre le montant, la durée
et le coût du découvert.
La
banque devrait plutôt s’attacher à savoir ce qui alourdit le coût du crédit.
Avec cet élément, elle pourra calculer le TEG
Par rapport aux contrats signés
La banque évoque
les engagements du client dans la « convention de compte »
Souvent,
les conventions de compte précisent qu’en cas d’absence de provision, la banque
peut étudier la possibilité de payer l’écriture. Concrètement, elle autorisera
un découvert supplémentaire du montant de cette écriture.
Le
client ne conteste nullement cet engagement. Et demander tacitement un
découvert à sa banque n’est pas proscrit dans la convention de compte.
Conformité
grille tarifaire
Le
fait que les tarifs soient annoncés dans la grille tarifaire et acceptés par le
client ne change en rien au problème.
Ce qui est en
question, c’est le coût du découvert, pas les tarifs. En tout cas,
le client ne conteste ni les tarifs, ni la connaissance qu’il a de ceux-ci.
Par rapport aux textes, aux jurisprudences
et aux positions des autorités
Les banques se
réfèrent à deux avis ministériels
Les
banques se réfèrent à 2 réponses ministérielles de 2011 qui précisent que « les commissions d’intervention qui ne
sont pas liées au découvert, ne rentrent pas dans le calcul du TEG ».
D’une
part, une réponse ministérielle n’est pas une jurisprudence, et d’autre part,
le corolaire de cette phrase est « Les
commissions d’intervention qui sont liées au découvert, rentrent dans le calcul
du TEG ».
Le
ministre de l’économie précise bien « Sous
réserves de l’appréciation souveraine du tribunal. »
Ces
deux références utilisées par les banques ne peuvent être utilisées dans un
procès où les faits sont bien établis et reconnus alors que ces propos sont des
réponses à des questions écrites évoquant des hypothèses.
Jurisprudence du
22 mars 2012
Cette
affaire, débattue en appel, le plaignant s’était appuyé sur le code de la
consommation (concernant les découverts de plus de 3 mois), alors qu’il aurait
dû prendre en référence la convention de compte (découverts de moins de 3 mois,
ce qui était le cas).
Dans
ce dossier, aucune étude n’avait été faite pour répartir les frais. Il est donc
logique que, dans le doute, le tribunal déboute le client.
Cette
jurisprudence est donc inappropriée.
Jurisprudence de
l’arrêt de cassation du 8 juillet 2014
Extrait
de l’arrêt de cassation :
« Mais attendu qu’après avoir
relevé que la commission d’intervention litigieuse correspondait à la
rémunération de l’examen particulier de la situation du compte auquel devait procéder
la banque en cas de présentation d’une opération insuffisamment provisionnée, puis constaté que cette commission était
facturé qu’elle que soit l’issue réservée à l’opération concernée, la
cour d’appel a exactement retenu que cette commission était indépendant du
crédit consenti et devait être exclue du calcul du taux effectif global
appliqué au découvert en compte ; que le moyen n’est pas fondé ; Et
attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l’admission
du pourvoi ;
Si
le plaignant avait pris le problème plus logiquement, il aurait présenté une
étude visant à déterminer le coût de
ses découverts. Pour ce faire, il aurait notamment dressé la liste des
frais d’intervention rémunérant l’acceptation et donc alourdissant le coût.
Puis
il aurait fait valider par la banque
ce coût. Le rapport proportionnel montant-durée-coût aurait fait
ressortir alors un Taux Effectif Global erroné.
En
l’absence de cette étude, la cour de cassation ne pouvait avoir d’autre
réaction.
Cette
approche est d’autant plus logique et acceptée par les banques, que celles-ci
différencient bien les frais rémunérant l’acceptation et les autres.
L’acceptation
d’une écriture procède toujours d’un examen du compte. Par contre son refus est
le plus souvent automatique.
C’est pour cette
raison que la banque distingue les frais en cas d’acceptation (facturés
clairement) et ceux éventuels en cas de refus (compris dans le forfait).
Le législateur
fait également cette distinction puisque les commissions pour acceptation sont
limitées à une enveloppe mensuelle de 80€ alors qu’ils sont illimités en cas de
refus.
Par rapport au comportement du client
La banque évoque
le « comportement fautif du client ».
Si
le client émet des chèques alors qu’il n’a pas la provision, il est en faute
par rapport au bénéficiaire. La banque n’est que mandataire des paiements et
n’est pas concernée.
La banque évoque
une « situation anormales »
Pour
justifier sa tarification, la banque peut évoquer un fonctionnement anormal du
compte. C’est un terme impropre : demander un crédit à sa banque n’est
pas une situation anormale.
La banque
fustige la « mauvaise gestion du client »
Terme
que la banque est incapable de définir. Et la banque est-elle assez vertueuse
pour accuser le client ?
Immiscions dans
la gestion et chantage
Réaction courante des banques : « Dans ce cas, on refuse
systématiquement tout et on retire toutes les facilités de découvert. »
C’est le chantage habituel des agences qui
supportent mal le fait qu’un client puisse user de son droit de vérification.
Par rapport à la définition du travail
objet de cette facturation
En
gras et italique, les réactions courantes des banques.
« Les frais sont
indépendants de la décision, ce sont des frais d’examen de compte »
Cet argument n’a aucun sens. Si le banquier
veut « examiner » les comptes, c’est à son initiative et il ne peut en aucun
cas facturer cette intervention stérile. Par contre, si cet « examen » est lié
à la décision de prêter ou non les fonds manquants pour une écriture se
présentant à découvert, alors les frais alourdissent le coût le cas échéant.
Nous pouvons faire le rapprochement avec un
garagiste. L’objet de sa facture sera l’examen du moteur en panne. Par contre,
la réparation serait gratuite. C’est absurde.
« Les frais sont
la répercussion des coûts de traitement »
Lorsqu’une écriture se présente, l’ordinateur
vérifie la position du compte. (Si solde > ou = montant écriture, alors
passer l’écriture au débit. Sinon, fichier « décisions à prendre ».)
Le fichier est présenté au chargé de clientèle.
S’il accepte, un clic dans la case acceptation. S’il refuse un clic dans la
case refus.
Si c’est oui, l’ordinateur passe l’écriture au
débit du compte.
Depuis l’informatisation des agences, il n’y a
plus d’autres traitements. Et puis, la banque peut-elle définir le coût en
électricité d’un ordinateur traitant des milliers d’écritures en une fraction
de seconde ?
« Ce sont des
frais d’écarté »
Ce terme a été utilisé jusqu’au milieu des
années 70, avant l’informatisation de masse. Les écritures étaient alors passés
par une « perfo-vérif » qui prenait le « carton perforé »
du client, vérifiait le solde, et tapait le montant sur le clavier de sa machine..
En
cas d’absence de provision, l’employée « écartait » la fiche
concernée. Un employé comptable apportait alors le paquet de fiches au
« chargé de clientèle ».
Ceci
à disparu depuis 40 ans dans les banques.
Bien
sûr, les avocats des banques ne peuvent connaître ces subtilités et ces
précisions. C’est pour cette raison qu’ils utilisent encore, 40 ans après, le
terme « frais d’écarté ».
« L’ordinateur prend
les frais automatiquement »
L’ordinateur peut-il s’affranchir des lois
imposées aux humains ? Non bien sûr, et l’argument est ridicule. C’est pourtant
celui qui est le plus fréquemment utilisé par le personnel des agences.
« Les frais sont
pris car le découvert est non-autorisé »
Et qui n’a pas autorisé le découvert en
contradiction avec l’employé qui a accepté de prêter les fonds pour le paiement
de l’écriture.
Rappelons que la notion de « découvert non
autorisé » si souvent mise en avant par les banques, n’a aucun sens puisque le
banquier a toute latitude pour accepter ou refuser.
Le vrai terme est « découvert non
contractualisé.
Et en cas où le teg est errone avec la preuve d une analyse financière Pour un prêt classique ainsi que le prêt relais qui l accompagne, à qui demande t on la véracité du TEG car l huissier n as aucun dossier et m envoie vers l avocat et aussi en cas d inscription au ficp est ce abusif ou illégal ?
RépondreSupprimerBonjour, que pense l'ACPR de ces taux d'usure pratiqués par les banques? Quelle est la position de l'ACPR lorsque les banques prelevent d'autorité des frais en cas de refus de découvert (et donc de credit)? Cette autorité a déjà sévèrement sanctionné par des amendes salées plusieurs banques pour leurs pratiques abusives. Cardif par exrmple...
RépondreSupprimerMerci très intéressant !!!
RépondreSupprimer