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samedi 23 juin 2018

Conciliateurs et banquiers: c'est parti, premier rendez-vous, première bagarre


Par Gérard Faure-Kapper

Non, j'exagère, les conciliations ne se déroulent pas forcément comme les séances du parlement ukrainien... Qoique...


Nous avons eu le premier rendez-vous chez le conciliateur pour une demande de remboursement de frais d'intervention.

En effet, depuis le 18 novembre 2016, dans le cadre de la réforme de la justice, le passage devant le conciliateur est une obligation.

Les banques ne peuvent plus, comme avant, se défiler.

L'audience marque aussi le blocage du délais de prescription.


Le client avait demandé que je puisse être présent, comme expert et non comme défenseur. Mon rôle était d'éclairer chacun et de répondre à toutes les questions et demandes de précision.


Le conciliateur m'a bien rappelé le côté confidentiel de cette audience et m'a interdit de médiatiser. Demande tout à fait logique que j'accepte volontier.

J'ai juste la permission de publier si aucun élément ne permet de reconnaître les protagonniste, ni la date, ni le lieu de cette audience. Ce que j'accepte.


Donc, j'ai été invité à participer à une audience.

Voici la fidèle retranscription. Les noms sont bien entendu changés.

Nous nous retrouvons dans un bureau du palais de justice, une couple de client, le conciliateur et moi-même.

Le représentant de la banque nous rejoint.

Le client prend la parole en lisant mon document. Appelons le monsieur Durand.

Le client. Monsieur le conciliateur, j'ai sollicité vos services afin de pouvoir régler à l'amiable, un différent qui m'oppose à ma banque.
Suite à une étude pour laquelle j'ai missionné monsieur Faure, ici présent, il ressort que le TEG de mes découverts ressort à 55%, donc est supérieur largement au seuil de l'usure. Ceci constitue une infraction tant civile que pénale.
Le différent provien du fait que la banque a omis d'inclure les commissions d'intervention dans le calcule du taux. 

La banque. Nous avons déjà répondu à monsieur Durand. D'après la loi, les commissions d'intervention rémunèrent un traitement particulier rendu nécessaire par une situation anormale, à savoir la présentation d'une écriture non provisionné. La commission est prélevée quelle que soit l'issue, que l'écriture soit payée ou non. C'est la jurisprudence qui dit ça...

Le conciliateur. Effectivement, c'est votre défense habituelle, mais l'étude va dans un tout autre sens. Monsieur Faure, vous pouvez nous apporter des précisions.

Gérard Faure: Bien sûr, et je vous remercie de m'avoir permis de participer à cette discussion. La banque a raison sur le principe. La définition est bonne mais la description du travail rémunéré par cette commission doit être mieux précisé: « Traitement particulier consistant en un examen du compte dont la finalité est d’accorder, soit un découvert permettant le paiement de l’écriture, soit un découvert permettant le paiement de la facture forfait de refus » et je précise « Quelle que soit la conséquence de ce traitement particulier sur l’écriture concernée, paiement ou non paiement, la commission d’intervention rémunère dans tous les cas l’acceptation d’un découvert, en alourdit le coût et en augmente mécaniquement le taux. » 
Est-on d'accord avec cette logique monsieur le banquier ?

(Le représentant de la banque, visiblement n'a rien compris et bafouille)

La banque. Oui, mais la jurisprudence est constante sur le sujet, les commissions n'entrent pas dans le TEG...

Gérard Faure. Le TEG n'est pas une boîte magique dans laquelle on va mettre les éléments que les juges auront décidés. Non, le taux effectif global est l'expression d'un rapport proportionnel: montant duré et coût des découverts. Et dans ce coût, il y a les commissions d'intervention. 
Et la jurisprudence à laquelle vous faite allusion, est cette du 8 juillet 2013. C'était un cas d'espèce qui concernait la Société Nancéenne Varin Bernier du group CIC. Nous sommes très loin de vos conditions.

(Le représentant de la banque est complètement dépassé)

le conciliateur. Je comprends bien, c'est simple et logique.

La banque. Oui, mais comme on prélève les frais que l'on paye ou non l'écriture...

Gérard Faure. Non monsieur, le travail de l'agent ne consiste pas à décider de payer ou non une écriture, il consiste à accorder ou non un découvert qui permettra, en conséquence, à l'écriture d'être payé.

La banque. Vous avez raison, mais si...

Gérard Faure. Si vous refusez ce découvert, alors vous allez facturer un forfait de refus de 50€, c'est bien ça ?

La banque, Oui, pour les chèques.

Gérard Faure. Et qui va payer le forfait de 50€? Pas le client, il n'a pas d'argent. Comment on fait ?

La banque. Le forfait est débité automatiquement sur le compte.

Gérard Faure. Ca c'est l'action du comptable. Mais ce que j'essaye de vous faire comprendre, c'est que pour honorer une facture de 50€ sur un compte à zéro, il faut bien que la banque autorise un découvert de 50€, on est d'accord ?

La banque. Oui, mais...

Gérard Faure. Je résume. Lorsqu'une écriture non provisionnée se présente, dans tous les cas, la banque doit accorder un découvert, 
En cas d’acceptation du découvert permettant le paiement de l’écriture, la commission d’intervention est débitée directement sur le compte (avec une limitation à 80€ mensuel). 
En cas d’acceptation du découvert permettant le paiement du forfait de refus, la commission d’intervention est incluse à l’intérieur du forfait. Ceci permettant de facturer au delà du plafond de 80€. 
Les fait contredisent totalement vos théories.
Et ce raisonnement a été confirmé par notamment 15 jurisprudences don 4 de la Cour d'Appel de Paris.

(J'étale les 15 jugements sur le bureau)

Le conciliateur. monsieur le banquier, vous n'avez rien d'autre à dire ? Vous n'êtes pas d'accord?

Le banquier. La banque que je représente reste sur sa position.

Le client (sortant un document qu'il remet au banquier). Dans ce cas, voici votre assignation pour le tribunal. En sortant d'ici, je donne le même exemplaire aux greffes. 
Vous avez toutes les chances d'être condamné, mais ça vous coûtera beaucoup plus cher. 

Le conciliateur. Monsieur le banquier, je pense que vous devez reconsidérer votre position.

La banque. Je n'ai plus rien à rajouter. permettez-moi de me retirer. Au revoir, madame, messieurs.

(Le banquier sort, et nous le suivons).


Résultat, le client ira à l'audience, mais avec un rapport favorable du conciliateur, et tout un dossier.


Pour tous ceux qui ont sollicité le conciliateur, je peux assister à l'audience, moyennant l'accord des parties et du conciliateur. Il faut juste prévoir mes frais de déplacement.









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