http://www.republicain-lorrain.fr/moselle/2012/09/15/escroquerie-un-policier-et-des-banquiers-mis-en-cause
Escroquerie: un
policier et des banquiers mis en cause
Trois services d’enquête messins ont démantelé, dans le plus grand secret, une organisation qui a réussi à détourner plusieurs millions d’euros. En usant de faux documents et de la complaisance de plusieurs banquiers
Le dossier est « complexe ». Et « unique »
d’après le procureur de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de
Nancy. Expert des procédures financières, Rémi Coutin n’avait encore jamais vu
une affaire où se mêlent des truands, un policier, des dizaines de prête-noms
et quelques banquiers. Un dossier d’escroquerie et de blanchiment d’argent dans
lequel les forces de l’ordre ont observé des flux financiers entre la France et
le Luxembourg représentant au total près de trois millions d’euros.
Les investigations débutent en
janvier 2011. Les policiers de la brigade criminelle de la Sûreté
départementale enquêtent sur une plainte déposée par un garage automobile
luxembourgeois. Des individus sont venus récupérer douze voitures payées avec de
fausses lettres de change. Au même moment, les gendarmes de la Section de
recherches de Metz travaillent sur des faits similaires commis dans un garage
de Thionville. Il faut peu de temps pour que les deux unités se rendent compte
qu’ils s’intéressent aux mêmes individus, tous originaires de l’agglomération
messine. Trois personnages centraux au passé criminel pour l’un, d’escroc pour
les autres. Co-saisis par le parquet de Metz qui s’est vite désisté en faveur
de la Jirs, les enquêteurs mettent au jour une organisation pointue. Rémi
Coutin synthétise : « Ils ont créé des sociétés civiles immobilières (SCI) avec
de faux documents dans lesquels les principaux auteurs n’apparaissent pas. Ils
ont ensuite présenté des demandes de prêts auprès de plusieurs banques pour
acheter des biens immobiliers. La valeur des biens était à chaque fois
surévaluée. Ils rajoutaient également des travaux. »
Présenté aux conseillers clientèles, le
projet monté là encore avec de faux documents était rarement refusé. Normal… «
Certains ont peut-être fait preuve d’incompétence, ose le procureur. Mais pour
la plupart, il s’agit de complaisance, voire de complicité. »
Sept maisons et du
matériel hi-fi achetés
Les prêts acceptés, l’argent était
aussitôt transféré du compte de la SCI à des entreprises basées au Grand-Duché.
Blanchie, cette somme était à nouveau disponible pour les escrocs français. «
Un des auteurs a dépensé 300 000 € au cours d’une seule année. »
Et le remboursement des prêts contractés ?
Il leur a suffi de créer de nouvelles SCI et de racheter le bien immobilier
concerné. Un système de cavalerie financière qui a fonctionné pour sept
maisons.
A la marge, des prête-noms ont aussi
contracté des crédits à la consommation pour acheter beaucoup d’appareils
ménagers et de matériel hi-fi. Ces biens ont été revendus ; les sociétés de
crédit n’ont jamais été remboursées.
Commandant de police
suspendu
Ces dix-huit derniers mois, les agents de
brigade criminelle, de la section de recherches et du Groupe d’intervention
régional (Gir) ont placé une cinquantaine de personnes en garde à vue, beaucoup
de petites mains qui espéraient récupérer un peu d’argent pour avoir donné leur
nom dans la constitution des prêts. Elles aussi se sont fait avoir…
Six personnes ont été mises en examen pour
escroquerie en bande organisée, tentative d’escroquerie en bande organisée,
faux et usages de faux, blanchiment et association de malfaiteurs. Deux
banquiers trop conciliants font partie du lot. Tout comme un commandant de
police en activité. Patron du centre de rétention administrative de Metz,
l’officier a été suspendu cet été. « On lui reproche déjà d’avoir mis en
relation les personnages centraux de cette affaire, indique Rémi Coutin. Pour
le reste, il y a encore du travail pour déterminer l’ensemble de ses
responsabilités. »
Après quelques mois passés en détention
provisoire, les trois auteurs principaux ont été placés sous contrôle
judiciaire.
Kevin GRETHEN.
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