Prêt libellé en devise étrangère. Par Katia Debay, Avocate.
Parution : mardi 26 juillet 2022
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Le caractère abusif de la clause de monnaie doit être
apprécié selon les critères de la jurisprudence de la CJUE (informations
permettant d’évaluer le risque des conséquences économiques négatives sur les
obligations financières) [1].
A) Sur l’imprescriptibilité.
Dans un arrêt concernant l’affaire Helvet Immo, en date du
10 juin 2021 (C-776/19), la CJUE avait confirmé que l’action en reconnaissance
des clauses abusives ne pouvait être soumise à un délai de prescription.
Dans son premier arrêt en date du 30 mars 2022, la Cour de
Cassation réaffirme l’imprescriptibilité de l’action tendant à voir déclarer le
caractère abusif d’une cause.
La Cour de cassation applique le principe d’effectivité du
droit de l’union.
La position des juridictions du fond qui fixent le point de
départ du délai de prescription à la date de l’acceptation de l’offre de prêt,
n’est pas de nature à assurer une protection effective du consommateur.
En effet, ce délai risque d’avoir expiré avant que le
consommateur puisse avoir connaissance de la nature abusive d’une clause de son
contrat.
B) Sur l’appréciation du caractère claire et
compréhensible de la clause.
Le caractère clair et compréhensible nécessite que
l’emprunteur comprenne la clause sur le plan formel et grammatical mais
également sa portée concrète.
Il doit être démontré qu’un consommateur moyen, a été
suffisamment informé afin d’évaluer et appréhender le fonctionnement de la
clause et évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives,
de telles clauses sur ses obligations financières (notamment sur l’augmentation
possible du capital emprunté).
Selon la haute juridiction, la nécessité d’une transparence
ne sera remplie que si l’emprunteur a été averti du contexte économique qui
pourrait avoir des répercussions sur le taux de change.
En l’espèce, il n’avait pas été indiqué à l’emprunteur qu’il
s’exposait à un risque de change qui serait, éventuellement, économiquement
difficile d’assumer en cas de dépréciation de la monnaie dans laquelle il
percevait ses revenus par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a
été accordé.
Concrètement, il s’agit pour la banque de communiquer des
exemples de calcul concrets du risque de change.
Aucun document ou simulation n’avait été communiqué
permettant d’évaluer concrètement les hypothèses économiques des coûts de
vente/achat de la devise au remboursement du prêt en cours.
Malgré ce montage spécifique et complexe du prêt en devises,
la banque n’avait pas éclairé les emprunteurs sur la conséquence, anormale,
d’une augmentation du capital emprunté en dépit du versement des mensualités
censées permettre l’amortissement de ce capital.
Il est considéré que la clause est déséquilibrée dès lors
que le professionnel ne peut pas s’attendre raisonnablement, en respectant ses
obligations en matière de transparence, à ce que l’emprunteur accepte un tel
risque disproportionné et sans limite, du risque de change alors même que de
son côté, la banque dispose d’outils financiers (produits de couverture, swaps
de devise, contrats à terme et options de change) afin de couvrir le risque de
change, lié aux prêts en devise.
Il s’agit d’un nouveau revirement de jurisprudence de la
part de la Première Chambre civile de la Cour de Cassation.
Katia Debay, Avocate Barreau de Versailles
[1] C. Cass 30/03/2022 n° 19-17.996 et C.Cass 20/04/2022
n°20-16.316.
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